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LA TRAHISON


« Depuis quelques jours, la Gestapo de Marseille a réussi à infiltrer un traitre d'une habileté diabolique dans notre réseau marseillais. II s'agit d'un agent déjà ancien de ce réseau, le belge Max de Wilde. Arrêté par les allemands, il accepte de jouer le double jeu. II a rencontré Lavallée et connaît la nature de ses activités. Les a-t-il dénoncées ?


« Nous n'en avons pas la preuve... mais rien n'interdit de le penser (1).

(1) Arrêté à la Libération et condamné à mort - puis grâcié, de Wilde a toujours nié avoir trahi Lavallée.


« Quoiqu'il en soit, fin novembre 1943, l'Abwehr arrive à introduire l'un de ses agents dans l'organisation de notre camarade. Il s'agit d'un «lieutenant André» qu'hélas nous n'avons jamais pu identifier. II semble avoir été recruté à Nantes alors qu'il militait déjà - on devine comment - dans un groupe de résistance.


« Dès lors, les événements vont se dérouler très vite. Tragiquement.

« La découverte des activités de Lavallée, notamment de ses liaisons radios avec Londres, va inspirer aux allemands une manoeuvre d'intoxication d'envergure, d'autant plus importante qu'ils espèrent en tirer des renseignements sur nos organisations clandestines et sur les intentions de débarquement des alliés.


« La manceuvre implique la raffle instantanée de l'équipe entière, sa mise au secret le plus rigoureux et la poursuite par substitution des contacts radios avec l'Angleterre.


« Le 11 décembre 1943 à 7 heures, Jean Lavallée est arrêté à Paris. Rentré la veille de Marseille où il avait porté un important courrier (2), il dormait sur un lit de camp dans le petit appartement de la rue de Rivoli. Sa logeuse, Alice Martin (3) est appréhendée aussitôt, tout comme Chaigneau et le radio Parpaillon. En quelques heures, toute l'équipe tombe aux mains de l'ennemi.

(2) II donne notamment des précisions remarquables sur la base de sous-marins de Saint-Nazaire et l'emplacement des batteries lourdes de défense du port.
(3) Morte en déportation.


« La Funkabwehr (service radio du contre-espionnage allemand) prend possession du poste émetteur et après plusieurs jours de recherches, découvre les codes. Le 25 décembre 1943, le (lieutenant André» rétablit le contact avec Londres sans éveiller à Montaigu les soupçons des logeurs de Parpaillon, ni surtout, ce qui est inexplicable, ceux des opérateurs radio de Londres. Habileté des techniciens ennemis ou insuffisance de ceux de Londres ?

« Dès lors commence le jeu subtil et terrible de l'intoxication.

« Faute d'avoir connaissance du drame qui vient de se dérouler, nous acceptons toujours les messages de aLavallée».

« Nous y répondons de bonne foi, notamment par l'envoi de questionnaires qui, à l'évidence, peuvent à terme donner des indications sur les projets du commandement allié et notre propre organisation de renseignements.

« Nous frôlons le désastre... lorsqu'un miracle va se produire.

« Du fond de sa cellule de Fresnes, l'un de nos officiers arrêté en Auvergne fin 1943 et transféré à Paris va réussir l'exploit qui tient du prodige de savoir ce qui se passe dans la prison, d'entrer en contact avec nos camarades au secret et de nous faire passer des messages...

« Le 11 avril 1944 après bien des péripéties qui ont ralenti son cheminement, nous parvient la nouvelle stupéfiante que je reproduis in extenso : . . . « LV Lavallée arrêté Nantes - stop - poste radio continue de fonctionner» . . .

« Nous sommes consternés. Notre réplique va être immédiate. A notre tour de tromper l'adversaire. Jusqu'en juin 1944, nous continuerons son jeu, mais cette fois à notre profit. Ainsi pourrons-nous avec le poste de Lavallée et l'accord des alliés, participer au plan d'intoxication destiné à laisser peser les menaces de débarquements en d'autres lieux qu'en Normandie...



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